Une quarantaine de personnalités appellent à ce que “les JO de Paris 2024 soient ceux du bien-être des chevaux”

“Et si les Jeux de Paris étaient ceux du bien-être des chevaux?”, interroge une tribune publiée dimanche dans Le Parisien/Aujourd’hui en France. Signé par une quarantaine de personnalités, dont le médaillé olympique néerlandais Albert Voorn, des vétérinaires de haut rang, des élus et des personnalités associées de longue date à la cause animale, ce texte appelle surtout les organisateurs des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 à mettre en œuvre les recommandations d’un rapport parlementaire publié en 2022.



À l’approche des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, l’image profondément choquante d’un cheval maltraité par une athlète allemande lors de l’épreuve équestre du pentathlon moderne aux Jeux olympiques de Tokyo 2021 revient comme un boomerang dans le “jardin” des organisateurs. L’édition 2024, dont les épreuves équestres et para-équestres se dérouleront dans les jardins du château de Versailles, sera la dernière impliquant le cheval en pentathlon moderne, l’Union internationale chapeautant la discipline ayant décidé de remplacer le saut d’obstacles par une course d’obstacles à pied de type “Ninja Warrior”. Cette décision radicale, prise après le tollé mondial causé par les images et faits inacceptables survenus à Tokyo, ne suffit pas aux yeux d’une quarantaine de personnalités. Signataires d’une tribune pour que “les JO de Paris 2024 soient ceux du bien-être des chevaux”, parue dimanche dans les colonnes du Parisien/Aujourd’hui en France, celles-ci appellent les organisateurs à faire plus et mieux en la matière.

Parmi elle, on trouve des vétérinaires de haut rang, dont Vincent Boureau et Laurent Mangold, vice-présidents de l’Association des vétérinaires équins français (AVEF), Nathalie Crevier-Denoix et Jean-Marie Denoix, professeur et professeur émérite à l’École nationale vétérinaire d’Alfort, spécialistes mondialement reconnus en biomécanique et pathologies locomotrices du chevalJacques Guérin, président du Conseil national de l’ordre, ou Luc Mounier, professeur titulaire de la chaire de bien-être animal à Vet AgroSup. On trouve aussi un médaillé olympique, le Néerlandais Albert Voorn, en 2000 à Sydney, un ancien écuyer du Cadre noir et cavalier international de concours complet, Patrick Galloux, deux députés de la majorité présidentielle, Corinne Vignon, présidente du groupe d’étude Condition et bien-être des animaux, et Jean-Marc Zulesi, président de la commission Développement durable et aménagement du territoire, ainsi que des personnalités médiatiques telles qu’Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue de protection des oiseaux, Mathieu Ricard, philosophe et écrivain, Louis Schweitzer, ancien président du groupe Renault et aujourd’hui à la tête de la fondation Droit Animal, éthique et sciences.

Tous se rallient à la cause de Loïc Dombreval, vétérinaire, président du Conseil national de la protection animale et ancien député des Alpes-Maritimes, auteur d’un rapport parlementaire qui avait fait grand bruit en 2022. De fait, la tribune parue hier a surtout pour but de remettre en lumière les quarante-six recommandations émises à cette occasion. “Les JO de Paris en 2024 sont une opportunité unique, exceptionnelle, pour mettre en avant et de façon pérenne le bien-être des athlètes équins, appartenant à la seule espèce animale en compétition aux JO. À l’heure où le bien-être animal a été élevé au rang de préoccupation sociétale, politique, s’inscrivant en sujet médiatique, et à l’approche d’une nouvelle édition de la plus grande manifestation sportive de la planète, prendre véritablement en compte le bien-être des chevaux est indispensable si l’on veut que les épreuves équestres aux Jeux olympiques perdurent. Ne percevoir le cheval que comme un instrument de la performance au service de son(sa) cavalier(ière) et du pays qu’il représente en oubliant l’être sensible qu’il [incarne] est une vision du passé et doit évoluer à la lumière des publications scientifiques sur les émotions animales, leur perception de la douleur et leur sensibilité au stress. Ces notions doivent servir de bases à la mise en place de pratiques appropriées. Les JO de Paris, vitrine du sport olympique, offrent à la France d’initier une nouvelle relation avec les athlètes équins dont la portée sera internationale et devra s’étendre à la filière sportive équine”, introduisent-ils.

“Certaines pratiques irrespectueuses de l’animal font partie du parcours de formation du cheval athlète destiné à la compétition. Dans de nombreuses disciplines équestres, ces pratiques se déroulent lors des entraînements, par l’emploi d’équipements contraignants tels que des guêtres postérieures inconfortables, des éperons démesurés, des muserolles serrées, des enrênements assujettissants, des mors coercitifs. Certaines pratiques elles-mêmes sont tout aussi répréhensibles comme les actions de mains violentes, l’utilisation abusive de la cravache ou des éperons, l’hyperflexion prolongée de l’encolure potentiellement délétère au plan physique et avilissante au plan psychologique…”, dénoncent les signataires, avant de modérer leurs propos: “Bien sûr, ces pratiques sont l’œuvre d’une minorité et tous les cavaliers ne sont pas à blâmer, mais il suffit de quelques-uns pour que l’image des sports équestres soit détériorée et que ces derniers soient en danger de disparition. De leur côté, les instances équestres prennent des mesures d’encadrement notamment par des chartes dédiées au bien-être du cheval dont les intentions sont certes louables... mais jamais contraignantes.”



Un appel au CIO, à la FEI et à l’État autant qu’aux organisateurs de Paris 2024

Chaque année, la Fédération équestre internationale (FEI) met à jour ses règlements avec la volonté sans cesse rappelée de mieux garantir le bien-être du cheval athlète. Tout à fait contraignantes, mais peut-être pas toujours parfaitement appliquées, ces normes sont ensuite transposées par les Fédérations nationales. Pour rappel, la même FEI a donné naissance à une commission d’éthique et de bien-être équin indépendante, qui a formulé trente recommandations, dont certaines ont déjà donné lieu à des modifications réglementaires. La FEI œuvre également de façon résolue et continue à la réduction des risques d’accident, a fortiori mortels, en concours complet, en s’appuyant sur des travaux statistiques, des retours d’expériences de terrain et des réflexions impliquant toutes les parties prenantes du sport. À l’échelle continentale, la Fédération équestre européenne (EEF), présidée par le Néerlandais Theo Ploegmakers, très mobilisé sur le sujet, a lancé une vaste étude sur le bien-être équin, en partenariat avec de grandes fédérations nationales, dont la Fédération française d’équitation, afin de répondre à une question fondamentale: “De quoi les chevaux de sport ont-ils besoin pour bénéficier d’un bon niveau de bien-être?”. Un travail destiné à inspirer de meilleures pratiques professionnelles, sur et en dehors des terrains de sport.

“La France pourrait prendre les devants et promouvoir la lutte contre les maltraitances équines à travers une régulation contraignante des équipements (mors, éperons, guêtres, etc.) et des pratiques équestres lors de l’entraînement, de l’échauffement et de la compétition des chevaux”, juge la tribune, semblant s’adresser ici à l’État et aux pouvoirs publics davantage qu’aux organisateurs de Paris 2024. “Rêver d’un monde meilleur pour l’animal qui incarne une réussite majeure de la domestication, et instaurer un cadre éthique pour que le bien-être équin soit respecté, passe par l’application de quarante-six recommandations qui ont fait l’objet d’un rapport parlementaire récent, et applicables également à l’ensemble des compétitions équestres au-delà des JO. Ces recommandations ont été relues par des experts, des vétérinaires et toutes les organisations auditionnées”, sans toutefois faire toutes l’objet d’un consensus scientifique. 

Les signataires citent en exemple le suivi longitudinal des chevaux en préparation pour les Jeux, avec des prélèvements antidopage entre un mois et quinze jours avant la première inspection vétérinaire, la mise en place sur tous les sites d’entraînement et d’épreuves d’un comité bien-être composé d’experts indépendants qui pourraient se déplacer librement sur tout le site olympique, le développement de la vidéosurveillance sur la totalité du site, la limitation stricte de l’utilisation de la cravache sous peine de sanction, voire de disqualification, la vérification systématique de la conformité des éperons, de la cravache, du harnachement et des protections du cheval, l’autorisation d’éperons “mousses” d’une longueur inférieure à 2cm, l’interdiction des guêtres postérieures (remplacées par des protège-boulets légers et non serrés), l’interdiction de la flexion de l’encolure plaçant le chanfrein en arrière de la verticale dans toute l’enceinte olympique, sous peine de sanctions à effet immédiat, ou encore l’emploi d’obstacles frangibles sur l’ensemble du parcours de cross.

“C’est au comité d’organisation des Jeux olympiques de Paris 2024 et à lui seul, à la suite de l’audition de différentes organisations, de décider du devenir de ces recommandations”, estiment les signataires de la tribune. Compte tenu de l’ampleur des réformes préconisées et de leurs enjeux juridiques, sociétaux et sportifs, le temps séparant cet appel de la cérémonie d’ouverture des JO semble bien trop court. En revanche, rien n’empêche les responsables de la bonne tenue des Jeux de renforcer les contrôles jugés nécessaires et l’application des règles de la FEI. “Il en va de la durabilité des sports équestres, de la tradition française qui les accompagne et, au final, de la survie du cheval, auxiliaire de l’Homme depuis 2.200 ans, merveilleux animal qui a, tour à tour, permis à l’Homme de se déplacer, de partager son destin lors des guerres, d’assurer l’essor de l’agriculture et qui est aujourd’hui le protagoniste principal de disciplines sportives appréciées à travers le monde. Rendons-lui, en échange de sa générosité et de sa confiance en nous, la considération et le respect qu’il mérite”, conclut à raison le texte.

Le rapport Dombreval est disponible en intégralité ici