Karma et Océane, le brillant duo mère-fille de Nantuel (partie 1)

Valorisée jusqu’à 1,45m par le regretté Christophe Deuquet, puis créditée d’un ISO 162 en 2006 avant d’être exportée en Italie, Karma de Nantuel s’est aussi avérée être une excellente reproductrice. Mère de seulement trois chevaux, tous indicés au-dessus de 140, l’alezane a sans nul doute propulsé l’élevage berrichon de Claire et Jacques Gouin dans un nouvel univers. À sa suite, sa fille, Océane de Nantuel a, elle aussi, brillé à la fois sur les terrains de compétitions et à l’élevage, donnant notamment six produits à l’élevage de la Roque. Parmi ceux-là, citons Uthope, Viceversa et Atlantic de la Roque, performants à 1,40m et plus. Une chose est sûre, la formidable génétique de ce duo mère-fille a encore de beaux jours devant elle.



Notre galerie de portraits intitulée “Trésors de championnes” s’intéresse aujourd’hui non pas à une, mais à deux juments : Karma et Océane de Nantuel. Pour rappel, GRANDPRIX s’est appuyé sur une sélection de juments nées après 1995, ayant obtenu d’excellents résultats sportifs, matérialisés par l’obtention d’un indice de performances supérieur à 160, et ayant engendré au moins deux produits eux-mêmes indicés à 140 et plus.

Pour ces deux perles de l’élevage de Nantuel, l’histoire débute en 1986. Marie-Laure, la deuxième fille de Claire et Jacques Gouin, installés dans la ferme familiale à Courquoy, dans le Cher, fait l’acquisition de Royaltie III, une jument Selle Français fortement imprégnée de Pur-Sang et dont les parents ont donné de bons gagnants dans les trois disciplines olympiques. Alikamé (AA, Alize x Basil, PS), la mère de Royaltie III, est la propre sœur de la grand-mère maternelle de l’excellent Tatchou (ICC 183, AA, Faristan x El Aïd), sacré lors du championnat du monde des chevaux de sept ans au Mondial du Lion d’Angers, puis deuxième du mythique CCI 5*-L de Pau en 2008 avec Nicolas Touzaint. 

Initialement destinée au sport, Royaltie III ne foulera jamais les terrains de compétition. “Nous avions du mal à la maintenir en état. Nous lui donnions donc énormément à manger mais elle ne grossissait toujours pas. Malheureusement, elle a contracté des fourbures. Notre vétérinaire de l’époque, qui n’était pas vraiment spécialisé dans les chevaux, ne s’en est pas rendu compte tout de suite. Pensant qu’elle souffrait d’une tendinite, il nous a conseillé de l’immobiliser et de continuer à lui donner beaucoup à manger… Tout l’inverse de ce qu’il aurait fallu faire ! Nous avons donc essayé de lui faire faire un poulain”, confiaient Marie-Laure Deuquet et Jacques Gouin à GRANDPRIX l’an dernier. Finalement, la reconversion de cette fine alezane s’avère plus que payante.

Royaltie III donne onze produits à l’élevage berrichon. Le premier d’entre eux, Boston de Nantuel est un fils de Fury de la Cense (SF, Questeur x Rantzau, PS). Rapidement, l’alezan fait ses preuves en concours. Valorisé par Jacques Bourven puis Philippe Poulet, il obtient un ISO 151. Naissent ensuite d’autres bons produits, dont Cachou de Nantuel (ISO 130, Fury de la Cense), Esquisse Nantuel (ISO 131, I Love You), Hugo de Nantuel (ISO 137, Olisco), Dandy de Nantuel (ISO 146, O’Malley) et Jiky de Nantuel (ISO 150, Papillon Rouge). Avant de mourir d’un cancer des ovaires, la prolifique Royaltie III met au monde deux autres produits. Parmi eux, naît Karma de Nantuel.

Tout à commencer avec Royaltie III, une jument pleine de sang.

Tout à commencer avec Royaltie III, une jument pleine de sang.

© Collection privée.



Karma, la bien nommée

Fille du crack d’Hervé Godignon, Quidam de Revel, Karma fait ses gammes sous la selle du défunt mari de Marie-Laure, Christophe Deuquet. “J’ai tout de suite beaucoup aimé son père, Quidam de Revel, même si de nombreuses personnes me disaient que l’utiliser était une folie. Il ne répondait pas aux critères de l’époque parce qu’il était très fin et sport. Moi, c’est ce que j’ai toujours recherché dans ma production”, se souvient Jacques Gouin. Le temps donne finalement raison à l’éleveur, précurseur et toujours à la recherche de poulains modernes, alliant légèreté, énergie et souplesse. 

Karma de Nantuel effectue la plus grande partie de sa carrière sous la selle de Christophe Deuquet. La Selle Français, alezane comme sa mère, débute sa carrière sportive à cinq ans, sur le Cycle classique de saut d’obstacles. Cette année-là, Karma signe seize parcours sans-faute avant la finale nationale de Fontainebleau. Après deux parcours parfaits sur le terrain bellifontain, la fille de Quidam de Revel est finalement déclarée non partante dans les deux ultimes épreuves de l'échéance.

En 2004, la fille de Royaltie III continue sur sa lancée et aligne de nouveaux les sans-faute. Cette fois, Karma va au bout de son championnat, lors de la Grande Semaine de l’élevage et en prend la treizième place, derrière une certaine Katchina Mail, sacrée championne de France. Après cet exercice réussi, le couple formé par Karma de Nantuel et Christophe Deuquet passe à la vitesse supérieure. Dès février 2005, le duo se classe à 1,35m, à l’occasion d’une épreuve de vitesse disputée à Versailles. S’en suivent de réguliers classements et autres victoires sur ces hauteurs-là, notamment à Surgères, Pontivy et Cluny. 

La paire évolue jusqu’à 1,45m, prenant la huitième place du traditionnel Grand Prix Pro 1 de Pompadour en 2006, à l’époque où la piste Jussiaux était encore recouverte d’herbe. Avant qu’elle ne soit exportée en Italie, Karma de Nantuel ajoute à son palmarès de bonnes performances à 1,40m, dont des victoires dans les petits Grands Prix de Dijon et Pompadour, ou encore dans une épreuve internationale 2* à Palaiseau. 

À la fin du mois d’août 2006, l’énergique alezane passe rapidement sous la selle du Français Walter Lapertot, puis rejoint l’Italie, l’année suivante. Emanuele Fiorelli conduit alors la puissante jument à quelques classements. À Arezzo, le couple termine huitième d’une épreuve à 1,50m en 2008, au profit d’un sans-faute. Toutefois, Emanuele Fiorelli et Karma de Nantuel n’auront pas davantage brillé à haut niveau.



Une très bonne jument de sport, mais avant tout une excellente reproductrice

Le remarqué Candy de Nantuel, ici au Mans en 2015, est un petit-fils de Karma de Nantuel.

Le remarqué Candy de Nantuel, ici au Mans en 2015, est un petit-fils de Karma de Nantuel.

© Collection privée.

Par transferts d’embryons, l’une des juments stars de Nantuel laisse trois Selle Français par Diamant de Semilly avant de quitter les frontières de l’Hexagone. Le premier d’entre eux n’est autre qu’Orphée de Nantuel (ISO 143), étalon des anciens Haras nationaux. Formé en concours par Fabrice Schmidt, le fils de Karma prend part à des épreuves à 1,50m, notamment sur le circuit du Grand National. La paire, associée de 2007 à 2011, se teste sur quelques épreuves 2*, avant qu’Eliott Deuquet ne prenne les rênes du puissant bai. Pendant un an, le jeune pilote concourt jusqu’à 1,40m avant de dire au revoir à son complice. Après un passage éclair sous la selle d’Alexis Gauthier, Orphée termine sa carrière sportive sur quelques bons classements avec Mathieu Lainsey. 

Entièrement dévoué à son travail d’étalon depuis 2014, le fils de Diamant de Semilly n’a pas connu un énorme succès. Parmi ses cent quarante-neuf produits enregistrés au SIRE, seul Vivaldi du Jardin (ICC 131, SF, mère par Prince du Logis, AA) a décroché un indice supérieur à 130. La même année qu’Orphée, est aussi née Océane de Nantuel. Créditée d’un ISO 166 en 2016, la Selle Français a marché dans les traces de sa mère, se révélant aussi talentueuse en piste qu’à l’élevage. Avant de revenir sur le parcours de la puissante baie, il convient de citer également Thara Nantuel.

Troisième et dernière fille de Diamant de Semilly et Karma de Nantuel, Thara est née en 2007. Montée de ses quatre à sept ans par Christophe Deuquet, la baie a rapidement connu du succès à 1,40m. Après une troisième place dans le championnat de France des juments de six ans - remporté par Twentytwo des Biches, fille de Mylord Carthago remarquée à l’international avec les Suisses Romain Duguet et Bryan Balsiger - Thara Nantuel s’est ensuite classée en Pro 2 et Pro 1 à Niort, Tours, La Rochelle ou encore Anjou. 

Arthur Deuquet, fils aîné de Marie-Laure et Christophe, reprend alors les rênes de la bouillonnante fille de Karma. Le duo atteint avec brio sur des épreuves à 1,50m, notamment sur le circuit du Grand National. Fin 2018, tous deux s’emparent de la troisième place du Grand Prix du circuit national, après être passé à quelques centièmes de la victoire dans le Grand Prix CSI 2* du Mans.

Comme sa mère, Thara Nantuel s’illustre tout autant à l’élevage. La fille de Diamant de Semilly a engendré deux produits en 2012 : Cobalt de Nantuel, un Selle Français par Tobago Chevrier indicé à 139, mais surtout le phénomène Candy de Nantuel (SF, Luidam), crédité d’un ISO 142 et déjà père de plus de cinq cents poulains en France ! Récemment passé sous la selle de la Normande Pénélope Leprevost, l’agile alezan devrait suivre les pas de ses remarquables aînés. Les autres poulains de Thara, encore jeunes, risquent, eux aussi, de faire parler d’eux dans les années à venir. Mais surtout, Karma de Nantuel a engendré l’excellente Océane de Nantuel, propre sœur de Thara et Orphée. 



Des débuts délicats

Michel Hécart a valorisé Océane jusqu’à un très bon niveau.

Michel Hécart a valorisé Océane jusqu’à un très bon niveau.

© Scoopdyga

Si Océane de Nantuel a connu de nombreuses réussites dans sa carrière sportive, il aura d’abord fallu l’apprivoiser. Achetée par la famille Hécart à deux ans, la pouliche quitte les prés berrichons pour grandir au haras de la Roque, en Normandie. “J’aurais beaucoup aimé pouvoir la garder, mais on ne peut pas toujours conserver les chevaux que l’on voudrait. Vendre des chevaux comme Océane m’a permis d’assurer l’avenir de l’élevage”, concède Jacques Gouin, qui a vu naître la charismatique Selle Français.

Quelques années plus tard, la carrière sportive de la fille de Karma de Nantuel est lancée. Elle débute la compétition à cinq ans avec François Xavier Boudant, excellent formateur de jeunes chevaux, puis poursuit son chemin en CSI avec Cécile Roubaud à six ans. Michel Hécart, membre de l’équipe de France pendant plus de vingt ans et sacré champion de France par deux fois, prend définitivement les rênes d’Océane en 2009.

Nous avions acheté Océane à deux ans car nous voulions avoir cette souche maternelle qui est très, très bonne”, se souvient l’expérimenté pilote. “Elle avait des aptitudes pour sauter car elle avait le sang, le respect et l’envie, mais elle avait une très mauvaise technique des antérieurs qui l’handicapait énormément. J’ai été obligé de faire beaucoup de gymnastique pour lui apprendre à sauter d’une meilleure manière. Ça a été très long et difficile. Cependant, en piste, ça a toujours été une très bonne jument. Elle avait un cœur énorme, était très respectueuse, et très rapide au sol. Elle avait une capacité à baisser les jarrets et à accélérer rapidement. Cela la rendait très compétitive.

Les qualités d’Océane poussent Michel Hécart à persévérer dans l’entraînement de sa recrue. “Je me souviens, quand je faisais des exercices à la maison avec des barres au sol, des barres à trois mètres, des petites combinaisons, plusieurs fois, ma femme me disait “tu devrais descendre de cette bête-là parce que ça va mal se terminer !”. Elle sautait complètement de travers et mettait ses genoux sous elle. Elle avait une technique vraiment bizarre. Il fallait croire en elle et être tenace pour aller au bout du chemin”, explique l’ancien cavalier du regretté Kannan

Rapidement, Océane se fait remarquer. En 2009, âgée de tout juste sept ans, la Selle Français collectionne les places d’honneur. En CSI, cette année-là, elle se classe quatorze fois parmi les trois premiers, entre 1,20 et 1,40m. À Fontainebleau, la baie prend la troisième place du Championnat de France des chevaux de sept ans, derrière Orlando de Roy (ISO 160, SF, Quick Star x Benroy, PS) et Orient Express (ISO 176, SF, Quick Star x Le Tôt de Semilly), futur médaillé d’argent aux Jeux équestres mondiaux du Caen, cinq ans plus tard, avec Patrice Delaveau. 

 

La deuxième partie de cet article est à retrouver ici.


Retrouvez ci-dessous deux parcours de Karma de Nantuel et Christophe Deuquet à Chantilly, ainsi qu'une épreuve disputée par l'alezane avec l'Italien Emanuele Fiorelli.






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